LA PERMACULTURE DU CLIENT : CHRONIQUE 1
La fin de la verticalité
Depuis près de 20 ans, avec l’avènement des réseaux sociaux, on voit une accélération de la transformation de la relation entre les clients et les entreprises. Ainsi la révolution digitale a créé un certain malaise au sein des entreprises car elle a vu le consommateur (ou le client car ce sont les mêmes) passer d’un stade passif, où il choisissait parmi ce qu’on lui proposait, à un stade actif de prise de parole sinon de militantisme¹ face aux marques, aux produits et aux entreprises. On a ainsi vu le consommateur prendre de plus en plus le contrôle de la relation et devenir consomm’acteur².
Chez Maïeutyk France, nous suivons de près cette transformation et accompagnons les entreprises à passer d’un mode de communication vers un mode de conversation et même de co-action avec leurs clients et prospects. Parce que cette transformation n’est pas un effet de mode mais implique un changement radical des rôles : l’entreprise n’est plus là pour dire à ses clients ce qu’ils savent déjà car ils le trouvent par eux-mêmes sur internet.
Comme entrepreneurs nous le constatons : nos prospects en savent souvent plus que nous ou que nos commerciaux sur nos produits et ceux de nos concurrents. Les médecins le vivent aussi (plutôt mal) en voyant leurs patients devenir des « experts de leur maladie » et s’autodiagnostiquer en se basant sur ce qu’ils ont lu sur Facebook. Or les médecins, au lieu de traiter avec mépris cette démarche du patient, doivent plutôt comprendre que celui-ci veut être désormais partie prenante dans sa démarche de santé : il est patient mais plus passif.
Côté business, cette « révolution digitale » a induit une véritable révolution du processus d’achat des clients. Avant Internet, l’entreprise se faisait connaître par de la publicité, avec l’espoir d’être suffisamment visible pour que ses prospects la contactent et que ses vendeurs puissent répondre à leurs questions et conclure la vente. La majorité du processus était donc sous le contrôle de l’entreprise.
Aujourd’hui, plus de 85% de la démarche³ se déroule avant même que le prospect prenne contact avec l’entreprise. Il se fait sa propre opinion en commençant par consulter son cercle d’amis ou de collègues : « Je cherche à acheter ceci … quelqu’un peut me recommander une marque / un fournisseur … ? » « J’ai tel problème, quelqu’un a déjà vécu ça et pourrait me dire comment il l’a résolu ? ». Rien de surprenant puisque nous agissons de la sorte nous-mêmes, comme consommateurs.
Même en B2B (Business to Business) le processus d’achat démarre sans contacter directement l’entreprise⁴ : le prospect ou l’acheteur poursuit une démarche éminemment autonome sur internet ou dans son réseau pour mieux cerner les possibilités qui s’offrent à lui. Il crée ainsi sa propre grille d’évaluation de ses options. Il sélectionnera la ou les entreprises qu’il souhaite contacter (sa « short list ») en ayant très souvent une connaissance assez précise des caractéristiques principales du produit ou service désiré. Sa décision d’achat au moment du contact est déjà fort avancée : la qualité de l’échange qui suivra entre le prospect et le commercial sera donc décisive.
Ainsi les concessionnaires voient des prospects arriver en magasin et connaître quasi déjà toutes les fonctionnalités de la voiture recherchée. Dans ce cas, le rôle des vendeurs est à revoir : ils ne sont plus là pour expliquer ces mêmes caractéristiques mais faire vivre au prospect une expérience client décisive. C’est un rôle fondamentalement relationnel, qui exige de la part des vendeurs des qualités renforcées d’écoute et d’empathie mais aussi de partage et de passion.
Le client est dans votre cuisine…
Cette métaphore de la cuisine illustre bien la transformation de la rencontre entre l’organisation et le client, en comparant le modèle de rencontre dominant à la fin des années ’90, à ce qui se fait maintenant, après la « révolution digitale ».
Le salon constitue la vitrine (la publicité, l’image de marque) de l’entreprise. La salle à manger représente le point de vente (ou l’expérience de la marque) et la cuisine est tout ce qui se vit dans l’entreprise (les modes de fabrication, la relation avec les fournisseurs, le style de management, etc).
Si dans les années ’90, vos clients vous découvraient à travers votre publicité (salon) et rencontraient vos commerciaux dans votre point de vente (salle à manger), ils n’avaient à peu près jamais accès à ce qui se passait derrière les portes closes de votre « cuisine ».
Aujourd’hui, grâce à Internet et aux réseaux sociaux le processus d’achat commence dans votre cuisine : votre client y « fouille » à sa guise, ouvre le frigo, regarde dans vos poubelles, pour savoir si votre façon de faire lui correspond. Que disent vos salariés de votre entreprise ? Comment travaillent-ils ? Qui sont vos fournisseurs ? Êtes-vous garants de leur respectabilité ? Que faites-vous comme entreprise pour limiter votre empreinte carbone ? Pour améliorer les conditions sociales de vos salariés et de vos fournisseurs ? Que faites-vous de vos déchets ? Est-ce que vous faites réellement ce que vous dites officiellement ?
L’accès « aux cuisines » des entreprises a mis à mal des pratiques peu reluisantes quant au discours de bien des marques.
L’Ère de l’horizontalité
Les clients ne sont pas les seuls procureurs. Vous avez sûrement remarqué une démarche tout aussi exigeante de la part des candidats aux embauches ?
Ils se font l’écho d’une prise de conscience générale des limites de notre société de consommation et du système de production actuel ainsi que ses dérives sociales et environnementales. L’inflation galopante et la crise énergétique récentes ont fini d’alerter de la nécessité de la transformation de notre société de consommation.
Mais comment, en tant qu’entreprise, ne pas opposer le développement économique et l’environnement ? Comment privilégier à la fois la performance et le bien-être au travail ? Comment tenir le coup dans la mondialisation sans se résoudre à réduire la qualité ou la probité des intrants, ni les acquis sociaux des salariés ?
Et surtout : comment faire tout ça sans voir ses clients partir à la concurrence pour quelques euros de moins ?
De plus en plus la population en général, dont de nombreux patrons, se réclament d’un changement des « règles du jeux ».
OK.
Mais on commence par quoi ?
Cette chronique ouvre une réflexion vers une voie, encore peu explorée dans le milieu des entreprises : celle de la permaculture.
Pourquoi la permaculture ?
Je reprends ici l’éditorial de Charles et Perrine Herve-Gruyer de la Ferme du Bec Hellouin dans leur livre « Permaculture : guérir la Terre, nourrir les hommes » ⁵:
« (…) la permaculture est réduite à une superméthode de jardinage naturel. Pourtant, la permaculture n’est pas un ensemble de techniques agricoles. Son potentiel va bien au-delà, ce système conceptuel est susceptible de féconder l’ensemble de nos réalisations humaines. »
Nous vous proposons avec Maïeutyk France un véritable parcours de changement, présenté de façon concrète avec des outils de réflexion et des témoignages, que tous les dirigeant.e.s pourront s’approprier et partager avec leurs équipes et leurs salarié.e.s.
Tout comme la mise en place d’un potager en permaculture, il s’agira d’avancer étape par étape, d’observer beaucoup et d’amender au fur et à mesure.
Nous vous proposons de nous retrouver une fois par mois pour explorer cette nouvelle approche holistique de la dynamique entrepreneuriale inspirante.
Avec exemples et cas concrets à la clé.
La suite, le mois prochain ou sur la page La Permaculture du client
¹ Naomie Klein, NO LOGO, 2000
² Consomm’acteur : contraction de consommateur et acteur. « Qui de réapproprie l’acte de consommation en faisant usage de son pouvoir d’achat pour protéger les valeurs et les causes qu’il défend. » Dictionnaire d’agroécologie, déc.2019
³ Mappy/BVA 2022
⁴ HootSuite, Oct 2020 « B2B Most Influencial information sources »
⁵ La Permaculture, Perrine & Charles Hervé-Gruyer, p. 101