Si le concept de transparence date de 1993 (l’Open Book Management : technique de management qui consiste à communiquer les comptes et la stratégie d’une entreprise à ses employés) – il est désormais omniprésent, voire vital dans la nouvelle relation entreprise-client.
Une appli Plastic Origins qui flashe les détritus envahissant nos cours d’eau, une FinTech qui met en avant la transparence de ses business modèles, un Eco-Score qui nous informerait demain de l’impact environnemental d’un produit depuis sa naissance jusqu’à sa fin de vie… autant de gestes qui répondent clairement aujourd’hui à l’affirmation d’une nouvelle exigence de notre société de consommation en plein questionnement : la transparence.
La transparence et les réseaux sociaux
On ne peut en effet dissocier cette émergence de la transparence du pouvoir des réseaux sociaux et des prises de paroles tous azimuts des consommateurs. Ces derniers ont définitivement – par leurs interventions ou autres influences – pris le pouvoir dans cette rencontre avec les marques.
Hier encore, les entreprises pouvaient « peinturer » leur discours de vertus plus ou moins crédibles. Aujourd’hui, elles se font de plus en plus dénoncer, que ce soit par des ONG, des lobbies, des individus… Cette dénonciation est devenue plus virale que jamais : on en veut pour preuve par exemple la difficulté que certains grands groupes alimentaires ont de réagir assez rapidement pour endiguer ces flux de condamnations ou au moins un minimum les contrer.
En fait, on assiste aujourd’hui dans un climat de défiance endémique (et les complotistes y sont particulièrement bien à l’œuvre) à une petite révolution culturelle pour l’entreprise : accepter d’ouvrir les portes, accepter de révéler ses faiblesses, bref se montrer telle qu’elle est : imparfaite. Oh l’aveu impossible !
La transparence et le consommateur
Toute l’histoire des marques s’est construite sur cette image d’absolue perfection fonctionnelle, esthétique, de prix : la communication de la valeur même du produit ou service passait par la sublimation de la marque qui la démarquait. De l’autre côté, le consommateur avait bien peu d’outils pour décrypter ce discours, décortiquer ses arguments, décoder une éventuelle supercherie.
Aujourd’hui, quelques mots clés sur google et émergent les coulisses d’une marque : en fait, le consommateur est déjà à fouiller les placards et les poubelles de l’entreprise et se faire sa propre opinion bien avant que l’entreprise en prenne conscience.
Il est loin le temps de la dictature de la publicité. Si celle-ci est encore outil d’image, elle n’est plus outil de conviction.
Le besoin de faire confiance est sans aucun doute devenu la première attente du consommateur. Que ce soit en B to C ou en B to B.
94 % des consommateurs et consommatrices accordent leur fidélité à une marque qui valorise la transparence et croit en une communication ouverte d’après un sondage Label Insight 2021. La démultiplication des labels, le déploiement de nouvelles normes (comme les DPP, digital product passport…), le développement de nouveaux outils technologiques de marquage ( cf. poudre Security Matters utilisée par Continental pour déterminer l’origine des caoutchouc…) ou encore plus simplement la blockchain* sont autant de gestes concrets qui s’inscrivent dans cette nouvelle dynamique de la transparence.
*Développée à partir de 2008, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations qui offre de hauts standards de transparence et de sécurité car elle fonctionne sans organe central de contrôle.
La transparence et le positionnement de la marque
Les conséquences sont fondamentales pour les positionnements à venir des entreprises : on ne parle plus seulement d’image projetée, de campagnes de communication. On parle ici de nouvelles postures faites de démonstrations, d’engagements concrets, mais aussi de prises de paroles plus sincères et ouvertes.
Quand on parle de révolution culturelle pour les entreprises, on y est. Adieu les faux semblants, les balayages sous le tapis, les manipulations organisées des argumentaires : on a basculé dans le vrai, l’authentique, et…l’imparfait.
L’exemple de la dénonciation récente par Carrefour de certaines marques pratiquant la shrinkflation (c’est à dire diminuer la quantité de produit sans changer l’emballage existant et augmenter le prix) illustre bien cette dynamique nouvelle.
Devant ce changement majeur de prise de parole, on peut légitimement se poser la question de l’attractivité des marques.
Comment une marque imparfaite peut-elle rester séduisante, concurrentielle ?
C’est là la beauté de la chose : cette transparence nouvellement assumée a tendance à devenir un avantage, un argument de crédibilité, un geste de proximité confiante retrouvée avec ce consommateur devenu un sceptique absolu. Selon une étude relayée par le magazine Forbes 2021, plus de 90 % des consommatrices et consommateurs déclarent être influencés par la transparence d’une marque dans leur décision d’achat.
La transparence et la relation client
Apparaît ainsi un nouveau territoire de conversation pour l’entreprise et toutes ses parties prenantes, celui du work in progress (travail évolutif).
Cette approche se concrétise par le développement d’une conversation plus régulière, plus constante avec les clients où l’entreprise raconte son parcours, partage ses défis.
Une conversation où elle assume ses imperfections tout en les inscrivant dans une démarche constructive de recherche d’amélioration continue au profit du bien-être collectif.
L’entreprise n’est plus statique, elle est en mouvement mais ce mouvement n’est plus « caché », il est raconté, partagé.
Il est transparence. Que ce soit une évolution tarifaire, un projet de co-développement, ou tout simplement privilégier ce qu’on appelle le permission marketing (proscrire les communications non souhaitées…), les approches transparentes doivent se déployer à tous les niveaux de l’expérience client.
La transparence et son risque
D’évidence, il y en a un mais il est beaucoup plus risqué aujourd’hui pour l’entreprise de se faire dénoncer par Google, Copernicus ou Global Forest Watch que de jouer carte sur table et travailler son projet avec transparence, et ainsi concrètement mieux contrôler son image même imparfaite. Cela permet indirectement d’éviter les dérives des interprétations endémiques des réseaux sociaux mais aussi d’anticiper les questionnements parfois fallacieux de la concurrence ou simplement inquiets des salariés.
Choisir la transparence ne veut pas dire pour autant briser certaines confidentialités mais organiser sa relation client en privilégiant les postures de transparence pertinentes pour le marché.
Dans un contexte de remise en question de la consommation (surconsommation, seconde main, reconditionnement, inflation…), une prise de parole plus transparente va devenir un argument concurrentiel toujours plus efficace.
Quant à acheter un produit ou un service, le consommateur privilégiera toujours plus une marque de confiance : le succès du local en est la démonstration criante tout comme le questionnement sur les filières d’approvisionnent dans l’alimentation ou le vestimentaire. Selon une recherche de Kantar en 2021, les Francais.es faisaient confiance à 82 % aux marques locales, 79 % aux marques françaises contre 50 % aux marques internationales.
Si la plupart des grandes entreprises sont plus dans une approche « défensive » de la transparence, plus en réaction aux diverses controverses (cf. Nutella et l’huile de palme…), on ne peut que se réjouir que bon nombre de PME et de start-ups ont plutôt adopté une stratégie plus native en prenant position publiquement dès leur création pour des valeurs qui interpellent l’opinion publique comme l’environnement, le recyclage, l’empreinte carbone faible… Cette transparence conversationnelle avec les parties prenantes extérieures ne peut se déployer avec crédibilité que si à l’interne elle est ancrée clairement dans la culture du management avec les salariés. On observe à ce propos que cette transparence assumée a des effets très positifs que ce soit sur la motivation, la créativité, la dynamique collective mais aussi – et ce n’est pas négligeable en ces temps de crise – la mobilisation des équipes. Sans oublier au passage l’argument porteur que cela peut constituer pour la marque employeur.
La transparence et la crédibilité de l’entreprise
La transparence n’est plus une piste de communication parmi tant d’autres, elle est devenue une exigence majeure de l’expérience client et donc doit être intégrée de manière stratégique dans la culture de l’entreprise.
Cette culture se construit en bâtissant des canaux de communication plus ouverts à l’interne mais aussi à l’externe en pratiquant l’écoute active et sincère des clients et ainsi favoriser la rétroaction positive.
Le numérique a induit une bascule des interactions de notre monde de la verticalité vers l’horizontalité avec entre autres comme conséquence une réinvention de la rencontre client. Aujourd’hui la transparence fait partie de cette réinvention et même si elle peut paraître menaçante à priori, elle est d’évidence incontournable à terme. À l’externe comme à l’interne. Les anglosaxons l’expriment simplement : No more bullshit !